Sur Big Good Dildos, je m’intéresse aussi aux personnes qui fabriquent les sextoys que je teste. Leur démarche, leurs choix de design, leur rapport au corps et au plaisir méritent d’être explorés autant que les objets eux-mêmes. C’est tout l’enjeu de cette série d’interviews : donner la parole à des créateurs et créatrices qui façonnent le marché autrement.
Cette fois, j’ai échangé avec VaaChar — une marque artisanale allemande qui trace sa route loin des formats imposés. Porté par une petite équipe passionnée, le projet se distingue par son approche directe, son ancrage communautaire et son refus des codes classiques du marketing. Chaque modèle est conçu à la main, pensé pour durer, et guidé par une envie constante de se renouveler sans renier ses convictions.
Dans cet échange, Charrez revient sur les débuts de la marque, leur manière de créer, leur rapport aux plateformes, et leur envie de proposer des jouets sincères — conçus pour durer, surprendre, et se partager dans un cadre sûr et choisi.
Indépendance farouche, création collective et refus des formats
Basée en Allemagne, VaaChar est une marque artisanale fondée par un petit collectif de passionné·es. Le projet prend racine dans les allées de conventions, avant de se tourner vers la fabrication de sextoys en silicone. Loin des standards du secteur, la marque cultive une approche intuitive, communautaire et accessible. Chaque jouet est imaginé, souvent modélisé en interne ou avec l’aide de collaborateur·ices extérieurs, puis coulé à la main dans leur atelier — avec une envie constante d’explorer de nouvelles idées, sans jamais céder aux tendances ou à l’uniformisation des plateformes.
Pas de storytelling prémâché, pas de visuels ultra-marketés : VaaChar assume un style brut, sincère, ancré dans le réel. Leur site, volontairement minimaliste, reflète cette volonté d’aller à l’essentiel, sans filtre inutile.
Une démarche artisanale, libre et toujours en mouvement
- Création maison et production interne : chaque jouet est modélisé, moulé et coulé dans leur atelier, sans sous-traitance.
- Expérimentation permanente : la gamme évolue au fil des envies, des retours et des rencontres, sans logique commerciale rigide.
- Présence communautaire forte : la marque privilégie les conventions, les échanges directs et le contact humain plutôt que les réseaux sociaux.
- Refus des formats imposés : absence volontaire de storytelling, retrait des plateformes comme Etsy ou X/Twitter, et communication directe.
À travers cette approche, VaaChar propose une autre manière d’exister dans le monde du sextoy : en marge des normes, mais en phase avec celles et ceux qui cherchent des objets authentiques.
Un projet DIY, né des conventions
Derrière VaaChar, il y a d’abord un plaisir de faire. Faire à la main, faire différemment, faire pour soi et pour les autres. Avant même de vendre des sextoys, la marque est née dans les allées des conventions, à la croisée du DIY et de la scène communautaire. L’histoire de VaaChar, c’est celle d’un projet artisanal qui grandit en marge, sans perdre ses appuis : l’expérimentation, le lien direct, et l’envie de créer sans compromis.
Des débuts artisanaux et communautaires
À ses débuts, VaaChar ne vendait pas encore de sextoys. Le projet est né dans les allées des conventions, d’abord avec des créations artisanales plus classiques : figurines 3D peintes à la main, illustrations, t-shirts, badges… Puis est venue l’envie de créer leurs propres jouets. Pas pour suivre une tendance, mais pour combler un manque identifié dans l’offre existante. « On adorait acheter ce genre de jouets, mais il manquait certains modèles… On s’est dit qu’on pouvait le faire nous-mêmes, probablement mieux, et de manière plus abordable. »
C’est donc un projet né du plaisir d’expérimenter, d’apprendre, et de faire mieux. Les premiers modèles sont conçus en collaboration avec un ami 3D-modeleur, les moules sont faits maison, et les tests s’appuient sur un cercle d’ami·es testeur·ses. Depuis, la gamme s’est largement développée, mais l’esprit reste le même : « C’est un projet passion dans un domaine peuplé de personnes qui partagent notre énergie et notre mentalité. »
Rester présent dans la vraie vie
Si la marque s’efface en ligne, elle reste bien active IRL. VaaChar continue de participer à de nombreuses conventions, avec la volonté de rencontrer le public en direct. « C’est plus naturel pour moi que de traîner toute la journée ou de faire juste le tour avec des amis. Et puis, une fois le stand fermé, je peux toujours en profiter. »
Cette volonté de rester en lien avec la communauté, de façon concrète et sincère, constitue l’un des piliers du projet. Pas besoin de grand récit ou d’esthétique léchée : ce sont les échanges, la passion et les retours utilisateurs qui nourrissent la suite.
VaaChar aime aussi échanger avec d’autres fabricants, que ce soit lors de conventions ou en ligne, pour partager des idées, confronter les expériences et imaginer d’éventuelles collaborations à venir.
Une pratique guidée par la passion et l’accessibilité
Chez VaaChar, rien n’est dicté par une stratégie commerciale. Le projet est né d’une envie simple : créer les objets qu’ils auraient aimé trouver eux-mêmes. « Beaucoup de produits manquaient ou étaient trop chers. On s’est dit qu’on pouvait faire mieux — et plus abordable. » Ce principe est resté au cœur de leur démarche.
Chaque nouveau modèle naît d’une envie, d’un manque identifié ou d’une idée qui germe au fil des échanges. « On essaie toujours de proposer quelque chose de nouveau, d’abordable, mais avec les meilleurs matériaux possibles. » Le plaisir de créer est une boussole permanente, bien plus qu’un cahier des charges.
Ce refus des logiques industrielles s’accompagne d’une attention particulière à l’accessibilité. La marque veille à proposer des jouets durables, à des prix justes, sans sacrifier la qualité. « On veut que les gens puissent s’amuser avec nos jouets sans s’endetter. » Une manière concrète de défendre une idée simple : le plaisir ne devrait pas être un produit de luxe.
Imaginer, expérimenter, ressentir
Chez VaaChar, chaque jouet est une pièce unique, pensée en interne et conçue sans modèle préétabli. La gamme s’est construite par essais, retours, intuitions — avec une attention constante portée à l’accessibilité, à la diversité des formes, et à l’expérience sensorielle. Des premiers dildos aux masturbateurs devenus cultes, en passant par leur étonnante collection de parfums, la marque explore librement sans jamais se figer.
Masturbateurs : un succès qui dépasse les attentes
Bien que la marque ait commencé par des dildos, ce sont les masturbateurs qui ont rapidement marqué les esprits. Des modèles comme Asena ou Oisin, lancés très tôt dans leur parcours, ont rencontré un franc succès — au point que des copies non officielles circulent désormais en ligne. « Ces jouets ont reçu énormément de retours positifs, ce qui nous encourage à continuer dans cette voie. »
VaaChar travaille aujourd’hui sur des versions plus variées, avec des usages doubles, des modèles inspirés de l’anatomie masculine, et d’autres idées encore en développement. « On ne sait jamais à l’avance quel type de toy va vraiment toucher les gens, alors on expérimente. »
Senteurs immersives : une exploration encore rare
Autre particularité de VaaChar : l’exploration du plaisir olfactif, via une collaboration avec HUFF Aromas. L’idée : associer une odeur à chaque modèle, en lien avec son design ou son personnage. « L’odeur peut enrichir une expérience, comme un parfum, une bougie… Alors pourquoi ne pas l’appliquer aux toys aussi ? »
Même si les flacons ne sont pas encore vendus à part sur leur site, chaque commande contenant un jouet “scenté” permet de découvrir l’odeur dès l’ouverture du colis. Les retours sont partagés mais globalement positifs : « On pense que ça donne de la personnalité à nos jouets, et on a envie de continuer à explorer cette piste. »
Des idées en continu pour enrichir la gamme
Chez VaaChar, la création ne s’arrête jamais. Sans calendrier figé ni collection imposée, la gamme évolue au fil des envies, des retours, et des expérimentations. Des projets sont déjà en préparation : nouveaux masturbateurs à usage multiple, modèles inspirés de l’anatomie masculine, ou encore accessoires pratiques comme des ventouses ou des bases alternatives.
Loin de chercher à remplir un catalogue, la marque préfère suivre un rythme organique, porté par la curiosité et le plaisir de faire. Ce sont souvent les échanges, les idées en commun ou les remarques des client·es qui déclenchent les prochaines étapes. Une manière de faire évoluer les jouets sans perdre leur esprit artisanal.
D’autres projets sont aussi envisagés au-delà des sextoys — mais, fidèle à leur approche, l’équipe préfère laisser les idées mûrir naturellement, sans se forcer à aller plus vite que l’envie.
Hors des normes : créer sans se vendre
VaaChar ne cherche pas à séduire les algorithmes. Leur présence en ligne est réduite à l’essentiel, leur site fonctionne comme une vitrine épurée, et leur démarche refuse les codes imposés du marketing ou de la performance. Ce choix d’indépendance touche aussi à l’éthique : engagement écologique, packaging réfléchi, et refus des espaces numériques devenus hostiles. Ici, pas de storytelling calibré — mais une entreprise artisanale qui avance à sa manière.
Rejet des plateformes dominantes
VaaChar a débuté sur Etsy, comme beaucoup d’autres créateur·ices de sextoys artisanaux. Mais la suppression brutale de leur boutique, dans une vague de bannissements visant les projets à contenu sexuel, a marqué un tournant. Ils décident alors de quitter la plateforme pour de bon — et d’éviter désormais toute dépendance à des outils instables ou arbitraires.
Même logique avec X/Twitter, qu’ils ont quitté en supprimant la majorité de leurs publications.
« Les réseaux sociaux sont devenus un espace hostile et artificiel […] C’est l’une des raisons pour lesquelles on a quitté Etsy, et qu’on n’utilisera plus Twitter. »
Ce rejet est autant politique que pragmatique. Derrière les règles floues et les restrictions, VaaChar pointe une transformation plus profonde du web : la centralisation des plateformes, la censure des contenus queer ou sexuels, et la montée en puissance d’une IA omniprésente. Un écosystème perçu comme toxique, contrôlé par des intérêts qui ne laissent plus de place à l’indépendance.
« Il y a de plus en plus de mauvais acteurs en ligne, et moins d’espaces sûrs pour les contenus comme les nôtres. »
Mais ce choix a un coût. En refusant de jouer le jeu des algorithmes, la marque perd en visibilité, et avec elle une partie de ses ventes. « Oui, ça affecte nos ventes et notre visibilité. On n’a pas encore trouvé d’alternative fiable. »
Un site fonctionnel, sans enrobage
VaaChar a conçu son site comme il conçoit ses produits : de façon directe, sans détour. Après leur exclusion d’Etsy, il leur fallait un espace indépendant, simple, où présenter leurs jouets et permettre aux client·es de commander facilement — sans dépendre d’une plateforme tierce.
« À la base, c’était juste un hub pour vendre nos jouets sans devoir se plier aux règles absurdes d’Etsy. »
« Le site doit rester simple, facile à parcourir, et centré sur les produits. »
Ce minimalisme s’applique aussi aux contenus : pas de storytelling, pas de texte de présentation. Non pas par stratégie, mais parce que la priorité est ailleurs — dans les moules, les tests, les idées à lancer. « J’ai juste jamais pensé à le faire. C’est resté sous le radar avec tout ce qu’on a à faire. Mais ce serait une bonne idée. »
Le site reflète donc leur posture : aller à l’essentiel, sans se disperser — quitte à enrichir plus tard, si le temps (ou l’envie) s’y prête.
Écologie et responsabilité : des choix d’entreprise assumés
Sans afficher un branding “green”, la marque fait des choix cohérents sur la question des déchets et de l’empreinte logistique. En Allemagne, elle adhère au système de licence Grüner Punkt, une référence en matière de recyclage des emballages.
« Ce n’est pas juste un argument marketing. On essaie vraiment de limiter les déchets inutiles à chaque étape. »
Les jouets sont expédiés dans des emballages papier, et les plastiques sont autant que possible réutilisés. Seuls les sachets en contact direct avec les toys sont neufs, pour des raisons sanitaires. Le résultat : des colis sobres, mais recyclables.
« Nos emballages ne sont peut-être pas les plus jolis, mais ils sont recyclés, ou peuvent l’être. »
Conclusion : passion, autonomie et refus des compromis
Avec VaaChar, pas de grand discours marketing, ni de visuels spectaculaires. Mais une vraie démarche, lucide et engagée, portée par une petite équipe passionnée. Chaque jouet est pensé comme un objet fonctionnel, durable et accessible, sans jamais céder aux tendances imposées.
La marque refuse de se plier aux plateformes qui invisibilisent ou censurent les contenus queer et sexuels. Un choix difficile à assumer, mais cohérent avec l’éthique du projet — et sa volonté de construire autrement, à son rythme, en restant fidèle à sa communauté.
C’est peut-être ça, la force de VaaChar : avancer à contre-courant, sans renier ses valeurs. Proposer des jouets sincères, imparfaits parfois, mais pensés avec soin et conviction. « On est fier·es de ce qu’on a déjà accompli. Et on fera tout pour continuer à se réinventer, en restant fidèles à ce qu’on est. »
Envie d’en savoir plus ?
Si l’univers de VaaChar vous intrigue, vous pouvez retrouver tous leurs modèles, les options disponibles, ainsi que les informations pratiques directement sur leur site officiel :
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