Sur Big Good Dildos, je m’intéresse aussi aux personnes qui fabriquent les sextoys que je teste. Leur démarche, leurs choix de design, leur rapport au corps et au plaisir méritent d’être explorés autant que les objets eux-mêmes. C’est tout l’enjeu de cette série d’interviews : donner la parole à des créateurs et créatrices qui façonnent le marché autrement.

Cette fois, j’ai échangé avec HumpToy — une marque artisanale française qui propose une alternative assumée aux codes traditionnels du sextoy. Porté par une seule personne, le projet se distingue par ses formes abstraites, ses matériaux irréprochables et son refus de toute narration imposée. Chaque modèle est conçu à la main, avec une attention rare portée à la sécurité, à l’éthique et à la liberté d’usage.

Dans cet échange, Kenza revient sur la naissance du projet, sa manière de créer, son rapport aux réseaux… et l’importance de proposer des objets qui laissent de la place à l’imaginaire.

HumpToy : formes abstraites, fabrication solo et plaisir libre

Basée en France, HumpToy est une marque fondée par Kenza, chimiste de formation et artisane autodidacte. Née d’un besoin personnel, sa démarche s’inscrit dans une dynamique encore marginale à l’échelle de l’industrie : des formes abstraites, une fabrication artisanale, et une exigence éthique à chaque étape. Chaque modèle est pensé comme un objet modulable, ouvert à l’imaginaire et affranchi des codes genrés habituels.

Entièrement conçu et fabriqué en solo, chaque jouet est modélisé, moulé et coulé à la main dans son atelier. Pas de narration imposée, pas de design réaliste : HumpToy revendique une approche sobre, inclusive, et respectueuse des corps comme des matériaux.

Une démarche artisanale, éthique et résolument libre

  • Formes abstraites et personnalisables : Chaque modèle peut être ajusté en taille, couleur et fermeté, sans références sexuelles imposées.
  • Fabrication artisanale en solo : De la modélisation à l’expédition, tout est fait maison, sans sous-traitance ni automatisation.
  • Sobriété et liberté d’usage : Pas de storytelling ni de projections fantasmées — juste des objets ouverts à l’appropriation personnelle.
  • Engagement éthique affirmé : Silicone platine dégazé, mica traçable, matériaux vegans et sans cruauté, dans une logique de transparence et de sécurité.

À travers cette démarche, HumpToy propose une autre manière de penser le sextoy : un objet simple, sûr, et profondément personnel.

Une marque née d’un besoin personnel et d’une vision libre du plaisir

Chez HumpToy, tout part de l’intime. Kenza ne s’est pas lancée pour répondre à une tendance ou combler un segment de marché, mais pour répondre à un besoin personnel, ancré dans l’expérience. Ce rapport direct au plaisir, sans filtre ni stratégie, reste aujourd’hui au cœur de la marque : créer des objets pensés d’abord pour soi, avec sincérité, curiosité et exigence.

De la frustration à la création

Le point de départ de HumpToy est très concret : Kenza cherchait un gode ventouse, mais ne trouvait rien qui lui convienne. L’offre disponible lui semblait monotone et peu inspirante. « 95 % des jouets sur le marché avaient une forme de pénis… et franchement, ça ne m’attirait pas du tout. Je voulais quelque chose de plus abstrait, un truc qui laisse place à l’imagination, pour me concentrer sur mon propre plaisir. » Elle réalisa alors que si elle voulait un objet qui lui ressemble, elle devrait le fabriquer elle-même.

Ce déclic arriva à un moment propice. Kenza venait de terminer un master en chimie analytique et possédait une imprimante 3D. Les bases techniques étaient là. « J’ai regardé mon imprimante 3D, elle m’a regardée… et je me suis dit : pourquoi ne pas créer moi-même une forme qui me plaise ? » Elle se lança dans la création de moules, expérimenta avec les matériaux, et donna naissance à ses premiers modèles. Au départ, l’objectif était simple : produire un jouet pour elle, sans visée commerciale.

Mais très vite, elle partagea ses créations en ligne. L’accueil fut enthousiaste. « Les moules étant déjà créés, il aurait été dommage de ne les utiliser qu’une seule fois ! » C’était le début de HumpToy. Une réponse à une frustration intime devint peu à peu une aventure artisanale. Le projet garda cette empreinte : proposer des formes ouvertes, non genrées, à la fois fonctionnelles et libres dans leur interprétation.

La démarche HumpToy

Ce qui distingue HumpToy, ce n’est pas seulement l’originalité des formes, mais la manière dont elles sont conçues. Kenza ne part pas d’un cahier des charges précis ni d’une analyse marketing. Sa logique est intuitive, presque organique. « Je fonctionne au feeling : je vais voir une forme, une texture, un objet du quotidien et je me demande : Et si c’était en silicone ? » Chaque idée naît d’une envie sensorielle, d’une curiosité, parfois d’un simple objet croisé dans la vie de tous les jours.

Mais cette spontanéité est toujours encadrée par une maîtrise technique exigeante. Kenza modélise elle-même ses designs en 3D, imprime ses prototypes, les ponce à la main, crée ses moules, dégaze son silicone, et contrôle chaque étape de la fabrication. Le processus est lent, parfois frustrant. « Lancer une impression le soir et se réveiller le matin en voyant des spaghettis, ça décourage ! » Pourtant, elle tient à garder la main sur tout. Le résultat : des jouets pensés pour être sûrs, durables, et fidèles à sa vision.

HumpToy revendique une approche artisanale sans compromis, loin des tendances standardisées du secteur. Chaque modèle est conçu dans une logique d’usage réel : testé, affiné, ajusté avant d’être proposé à la vente. Il ne s’agit pas de remplir un catalogue ou de suivre les modes, mais de créer des objets sincères, avec une vraie intention derrière chaque courbe. Une méthode à contre-courant, qui donne à la marque son identité forte.

Une éthique forte et assumée

Pour Kenza, l’éthique n’est pas un argument marketing, c’est le socle de son travail. Tous les matériaux qu’elle utilise sont bons pour le corps, sans cruauté, et exempts d’ingrédients d’origine animale. « Je conçois mes jouets comme s’ils étaient pour moi (et c’était le cas au départ). » Elle travaille exclusivement avec du silicone catalysé au platine, qu’elle dégaze avant chaque coulée pour éviter les bulles. Ce soin est indispensable : « Sans cela, des bulles peuvent se former, rendant le jouet poreux et donc propice au développement de bactéries. »

Son engagement va jusqu’au choix des pigments, un point rarement questionné dans l’industrie. Elle n’utilise que des poudres de mica cosmétiques, sans nanoparticules, non testées sur les animaux et conformes à la réglementation européenne. « Elles proviennent principalement d’Europe et, dans certains cas, des États-Unis, et sont garanties éthiques avec une tolérance zéro sur toute forme d’exploitation, qu’elle concerne des enfants, des animaux ou des adultes. » Pour elle, cette transparence est essentielle car « l’industrie des sextoys peut impliquer des pratiques très problématiques », notamment autour de l’extraction du mica, parfois réalisée par des enfants dans des conditions dangereuses.

Cette vigilance s’inscrit dans une vision du plaisir profondément éthique. Kenza ne se contente pas de faire “attention” : elle pense chaque choix de matière comme un acte de respect. « Moi-même vegan, je crois profondément que le plaisir ne doit jamais se faire aux dépens de quelqu’un, humain ou non. » Son exigence va au-delà de la fabrication : « Un bon jouet, c’est un jouet qui respecte tout le monde, de l’intention à la fabrication. Le plaisir n’a de sens que s’il est consensuel, libre, choisi. »

Des formes qui sortent des cadres, pensées pour l’exploration

Chez HumpToy, le design n’est pas guidé par des fantasmes préfabriqués ou des formes codifiées. Chaque jouet est pensé comme un objet d’exploration, à la fois sensorielle et personnelle. Les créations de Kenza ne cherchent pas à représenter, mais à suggérer, à ouvrir des possibilités. Cette liberté formelle s’accompagne d’un processus de fabrication exigeant, où chaque étape est pensée pour stimuler la curiosité et laisser place à l’expérience individuelle.

Créer à l’instinct, à partir du réel

Kenza ne suit aucune grille de conception prédéfinie. Son processus créatif commence souvent par une forme, une texture ou un objet croisé dans le quotidien, qui éveille une idée sensorielle. Elle part de cette impression intuitive pour modéliser des formes en 3D, parfois pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’un équilibre lui semble juste.

Mais imaginer une forme n’est qu’une première étape. Il faut ensuite imprimer le modèle, le poncer manuellement, créer un moule en silicone, et préparer les coulées. Ce processus entièrement artisanal demande du temps, de l’attention, et expose à des ratés. « L’impression 3D, le lissage des modèles et la création de moules… Ce sont des étapes qui prennent du temps et même avec de l’expérience, il y a toujours des petits imprévus. » Un modèle peut ainsi rester bloqué à l’étape de prototypage si la forme pose problème ou si la technique ne suit pas.

Tous les projets ne passent donc pas à la production. Ce tri, Kenza l’assume : il garantit que chaque objet proposé est testé, affiné, validé dans ses proportions. Le Nexus Grinder, par exemple, est littéralement inspiré d’un clavier d’ordinateur. Ce type de détournement est emblématique de l’approche HumpToy : des formes nées d’un regard curieux, puis traduites avec soin en objets pensés pour l’exploration, sans compromis sur la qualité ni sur l’intention.

Laisser la place à l’imaginaire

Les fiches produits HumpToy sont volontairement épurées : pas de storytelling, pas de descriptions érotiques, juste des visuels, des dimensions et des options de personnalisation. Ce choix n’est pas un oubli, mais une décision forte. « L’idée, c’est de ne pas imposer de narration ou de fantasme prédéfini, mais de laisser à chacun la liberté d’imaginer, de projeter, de rêver à sa manière. » En supprimant tout cadre scénarisé, Kenza ouvre un espace plus large, plus accessible, et souvent plus rassurant pour les personnes qui découvrent ces objets.

Cette approche s’adresse à des publics variés, souvent éloignés des codes habituels du sextoy. « Un homme hétéro qui explore le plaisir anal pour la première fois n’est pas forcément attiré par les pénis, ou un couple qui souhaite rester concentré sur son intimité peut ne pas vouloir ajouter une “histoire” autour d’un objet. » En privilégiant la suggestion à la projection, HumpToy invite chacun·e à s’approprier l’objet selon ses propres repères. Une manière discrète mais puissante de défendre un plaisir libre, non genré et non dirigé.

Un modèle emblématique : Wonder

S’il ne fallait en choisir qu’un, ce serait Wonder. C’est le modèle que Kenza recommande en priorité pour découvrir l’univers HumpToy. Sa forme est simple mais précise : lisse, légèrement resserrée au centre, avec un bout confortable et une flexibilité marquée. Pensé pour s’adapter facilement à différents types de corps et d’usages, il offre un équilibre entre douceur, maniabilité et efficacité.

Comme tous les modèles de la marque, Wonder est entièrement personnalisable : taille, fermeté, couleur. « Il incarne parfaitement ce que je veux offrir à travers mes créations : de la liberté d’imaginer, d’explorer, et du confort à chaque instant. Parce qu’un bon jouet ne dicte rien, il s’adapte, il accompagne, et il laisse toute la place au plaisir choisi. » Ce modèle condense l’esprit HumpToy : un design accessible, modulable, ouvert — pensé pour celles et ceux qui cherchent à s’approprier leur plaisir sans se sentir dirigé·es.

Une aventure solo, entre contraintes concrètes et liberté totale

Derrière HumpToy, il n’y a pas d’équipe, pas de structure, pas de plan stratégique. Il y a une seule personne qui conçoit, fabrique, emballe, communique. Un fonctionnement qui impose des limites très concrètes, mais qui permet aussi une liberté totale. C’est dans cette tension entre autonomie et charge que se construit l’équilibre fragile — mais assumé — du projet.

Travailler seule par choix et par nécessité

HumpToy est un projet entièrement porté par Kenza. De la modélisation à l’expédition, en passant par le service client, elle gère tout elle-même. Un choix assumé, autant par conviction que par réalisme. « Je tiens à rester seule. Ça me permet de garder une vraie liberté, de ne pas avoir à faire de compromis, de créer exactement ce que j’ai en tête. Et ça, c’est précieux. » Le format solo lui garantit une indépendance totale dans ses décisions artistiques, techniques ou éthiques.

Mais ce fonctionnement repose aussi sur une réalité économique : « Pour être pragmatique, c’est impossible actuellement pour des raisons économiques, HumpToy est avant tout un hobby et je n’en vis pas. » Ce statut limite certaines ambitions mais conserve une souplesse rare. Pas de pression à produire en masse, pas d’impératifs de croissance. Le rythme est celui d’un atelier personnel, aligné sur une seule exigence : proposer des jouets cohérents avec les valeurs de la créatrice.

Une communication pas toujours simple

Si Kenza maîtrise chaque étape de la fabrication, la communication, elle, reste un terrain plus délicat. Elle le reconnaît sans détour : « Je suis assez timide, et comme je réfléchis beaucoup trop, ça m’épuise de devoir penser chaque jour à ce que je devrais poster, si c’est bien, si ça va plaire… » Créer du contenu régulièrement ne lui vient pas naturellement, et le maintien d’une présence sur les réseaux sociaux demande une énergie qui entre parfois en conflit avec la concentration artisanale que demande son travail.

À cela s’ajoutent les restrictions de plateformes comme Instagram ou TikTok, qui compliquent la visibilité des contenus, même quand ils sont abstraits. « Les restrictions peuvent vraiment démoraliser, surtout quand on essaie de partager son travail. D’autant plus que mes jouets sont abstraits… Je ne sais même pas pourquoi ça déclenche des signalements ! » Malgré ces freins, elle continue de publier et de faire exister la marque, mais sans céder à la pression de la performance ou de l’algorithme.

Partager pour faire émerger une scène indépendante

HumpToy n’est pas seulement un projet personnel : c’est aussi une manière de participer à un mouvement plus large, fait d’indépendance, de partage et de transmission. Sur son site, Kenza met à disposition des ressources pour aider d’autres personnes à créer leurs propres sextoys. Elle a tout appris seule, en ligne, et tient à rendre ce savoir plus accessible. « J’ai appris sur internet, et je sais à quel point il est difficile de trouver des ressources fiables quand on se lance. J’ai voulu partager ce que j’ai appris, pour aider d’autres créateurs à se lancer. » Son objectif n’est pas de garder ses savoir-faire pour elle, mais d’encourager une scène plus diverse, plus ouverte.

Elle y voit un enjeu autant culturel que pratique. « Voir d’autres créateurs indépendants se développer dans cet univers, ça veut dire plus d’innovation, plus de diversité, et un impact plus humain sur le marché. » Et aussi un désir personnel : « Honnêtement, étant moi-même collectionneuse, j’attends de voir plus de créateurs européens afin de pouvoir agrandir ma collection. Même si ça en vaut la peine, j’en ai un peu marre de devoir payer des frais de livraison et de douane monstres pour les produits de mes confrères américains ! » Le partage devient alors un levier d’entraide, mais aussi de circulation concrète des objets — et des idées.

Faire place au plaisir choisi

HumpToy ne cherche pas à séduire par l’excès ni à provoquer par le fantasme. C’est une marque qui avance à son rythme, avec sérieux, curiosité et respect. Kenza propose une alternative rare : des objets conçus sans formatage, pensés pour celles et ceux qui veulent explorer sans injonction, ressentir sans projection, imaginer sans retenue.

Le message qu’elle adresse à celles et ceux qui hésitent encore est à l’image de sa démarche : direct, libre et bienveillant. « Osez. Il n’y a pas de “bonne” façon de prendre du plaisir. Chacun·e a ses envies, ses préférences, son propre rythme. Le plus important, c’est de se sentir libre d’explorer, de tester, de s’amuser. Et franchement, si un jouet vous rend curieux·se, c’est qu’il a déjà fait sa part. L’envie d’explorer, c’est souvent le début du plaisir ! »

HumpToy, une autre idée du sextoy

Pas de lore à suivre, pas de design spectaculaire. HumpToy revendique une approche sobre, libre et sans narration imposée. Chaque jouet est pensé comme un objet d’exploration sensorielle, conçu pour s’adapter au corps, pas pour imposer un imaginaire. Ce refus des conventions ne relève pas du minimalisme, mais d’un choix de clarté et d’ouverture.

Derrière chaque forme, il y a un processus entièrement artisanal, réalisé en solo, avec une exigence rare sur les matériaux, les détails et la cohérence. Rien n’est laissé au hasard : la modélisation, les tests, les pigments, les coulées… Tout est pensé pour garantir un objet sûr, durable, et aligné avec des convictions profondes.

HumpToy ne cherche pas à séduire par la surenchère, mais à proposer des alternatives concrètes à une industrie trop souvent formatée. Des formes abstraites, des matériaux éthiques, une liberté d’usage totale : c’est peut-être simple à dire, mais c’est exigeant à tenir. Et c’est ce qui fait toute la force de la démarche.

Envie d’en savoir plus ?

Si l’univers de HumpToy vous intrigue, vous pouvez retrouver tous les modèles personnalisables, les options de texture et de couleur, ainsi que les informations pratiques directement sur le site officiel :

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